"Que la vie est donc pleine de beauté lorsqu'on va la chercher tout seul sur la mer, et pour cela que faut-il, un petit bateau solide et courageux, quelques mètres de toile qu'un artisan voilier a transformés pour vous selon son art, un panier de provision et une moque qui sert à la fois d'assiette et de tasse..."
Vito Dumas
Il y a tour du monde et tour du monde. Sans vouloir minimiser le talent ni le courage des navigateurs contemporains, force est de constater que la technique leur offre aujourd'hui un "confort" matériel et un accompagnement moral dont leurs prédécesseurs n'auraient jamais rêvé. C'est pourquoi les périples de Vito Dumas nous frappent d'emblée par la puissance physique et la force de caractère qui le jettèrent au-devant des océans les plus durs, et dans les conditions les plus précaires qu'on puisse imaginer.
Cet homme est une énigme, et le récit de ses pérégrinations coupe le souffle. Mais il est vrai que ses origines et son enfance annonçaient déjà un destin vagabond, depuis ces ancêtres français émigrés sous la Révolution vers un petit village d'Italie, et qui émigrent encore, comme beaucoup de leurs compatriotes, pour l'Argentine un siècle plus tard. C'est là, dans les années 1900, que grandit cet enfant du Rio de la Plata, d'abord dans une insouciante opulence, puis peu à peu dans la misère de ceux à qui l'immigration n'a pas souri. Les ressources familiales diminuant juqu'à la famine, Vito décide d'abandonner les livres et de travailler pour dispenser ses parents d'une bouche à nourrir. Petits emplois, petits salaires, mais le goût du sport et du défi l'amènent à entreprendre à partir de la France une traversée de la Manche à la nage ! Le projet ayant échoué faute de moyens, on le retrouve à Arcachon, où il achète un vieux huit mètres déclassé sur lequel il entreprend de revenir en Argentine... Il a 31 ans, et c'est le tout début de ses incroyables "vagabondages de romanichel marin".
Ce qui frappe dans les voyages solitaires de Vito Dumas, c'est en effet l'imminence de la catastrophe à laquelle semble voué chacun de ses projets, compte tenu des conditions matérielles de la navigation. Le plus souvent privé de tous moyens financiers, ou accablé de dettes, il est parfois réduit à naviguer sur des bateaux minuscules qui font eau de toute part et qu'il faut écoper sans arrêt, sans vêtements de rechange, et pour réserve de vivres un peu de chocolat pour traverser l'Atlantique. Les médicaments sont des échantillons récupérés par des amis, l'avitaillement disparate fourni par d'autres, et la sobre solidarité des gens de mer complète le tout par quelques instruments sommaires de navigation, un loch par-ci, une lampe par-là. Emouvant bric à brac, que les tempêtes vont se charger de mettre en pièces au fil des milles, que ce soit dans le Golfe de Gascogne ou parmi les 40èmes...
C'est dans ces conditions invraisemblables que cet homme étrange va devenir le premier navigateur solitaire à avoir doublé le Cap Horn et à avoir survécu. Le premier qui ait osé s'appuyer sur les tempêtes pour boucler la boucle en doublant les trois caps des mers australes.
Mais dans toutes ces souffrances consenties, ce qui frappe en lui, c'est l'appétit irrésistible de ce coeur brûlant, à la rencontre de ce que la mer peut offrir de plus dur et de plus fort.
Les voyages de Vito Dumas :
Premier voyage (avec LEHG I) : Arcachon-Buenos Aires (6270 milles en 76 jours / Départ le 13 décembre 1931 - Arrivée le 13 avril 1932)
Arcachon / Vigo / Las Palmas / Rio Grande / Montevideo / Buenos Aires
Deuxième voyage (avec LEHG II) : Autour du Monde en 7 étapes (20 420 milles en 272 jours / Départ le 27 juin 1942 - Arrivée le 7 septembre 1943)
Buenos Aires / Montevideo / Cape Town / Wellington / Valparaiso / Mar del Plata / Montevideo / Buenos Aires
Troisième voyage (avec Legh II) : A travers l'Atlantique (17 045 milles en 234 jours / Départ le 1er septembre 1945 - Arrivée le 28 janvier 1947)
Buenos Aires / Montevideo / Punta Del Este / Rio De Janeiro / La Havane / New York / Açores / Madeire / Iles Canaries / Iles du Cap Vert / Ceara (Brésil) / Montevideo / Buenos Aires
Quatrième voyage (avec SIRIO) : Buenos Aires-New York (7 100 milles en 117 jours / Départ le 23 avril 1955 - Arrivée le 23 septembre 1955)
Buenos Aires - Iles des Bermudes - New York
"Je regarde, et le bonheur jaillit de tous les pores de ma peau..."
je te pensais parti...sur ton étoile
Rédigé par : Emma | 30 juin 2009 à 08:30