Prendre sur la côte d’Oman une barque de pêche de 7 mètres, non pontée. Bien vérifier qu'il n'existe à bord aucun équipement de sécurité, ni réserve de flottabilité, ni brassière de sauvetage, ni matériel de détresse, ni même une ancre. Seul équipement particulier : un gourdin.
Partir de bonne heure pour profiter de la fraîcheur du matin sur le Golfe. Foncer plein pot vers le large pour bien faire vibrer toute la structure de la barque à chaque retombée de l'étrave sur le clapot. Quand les chocs atteignent la limite du supportable pour la barque et ses passagers, accélérer encore un peu. Arrivé sur la zone de pêche, à environ dix milles au large, réduire la vitesse à dix nœuds, et jeter vers l'arrière une ou plusieurs lignes d'une cinquantaine de mètres (équipées d'un leurre et d'un hameçon de 10 cm environ) dont on retient d'une main gantée de caoutchouc l'autre extrémité. Laisser traîner cette ligne sur l'arrière jusqu'à ce qu'un thon se laisse tenter. Reprendre alors la ligne par brassées jusqu'à ramener le poisson au niveau du bordage. Comme il mesure entre 50 cm et un mètre, l'opération peut prendre un certain temps. Le saisir alors par la queue, et l'achever de trois ou quatre grands coups de gourdin sur la tête. Puis le laisser tomber en vrac au fond de la barque, et nettoyer le sang que ces opérations ont fait gicler un peu partout. Recommencer.
À la mi-journée, avec un peu de chance, une dizaine de thons s'entassent au fond de la barque. Se rapprocher alors de la côte, dont on distingue peu à peu à nouveau les hautes pentes rocheuses, abruptes et désertiques dégringolant vers la mer. Longer les îlots qui bordent le rivage jusqu'à dénicher une baie abritée derrière l'enchevêtrement des éboulis, des récifs et des pointes. Pénétrer ainsi dans une sorte de fjord aride formé par l'embouchure d'un oued. L'eau y est profonde, calme, limpide et tiède, avec des reflets vert-bleu.
Aborder au rivage sur une petite plage déserte, et plonger aussitôt pour se rafraîchir enfin. Rêver d'être un poisson.
Prendre au fond de la barque un thon de taille proportionnée au nombre de passagers, et le déposer sur la plage. En escaladant les rochers, aller arracher quelques arbustes desséchés qu'on placera en tas sur le sable. Les enflammer, et quand le feu est au plus haut, y jeter le thon.
Retourner se baigner. Quand on revient, c'est prêt. Extraire des cendres ce qui reste du thon, et le dépecer à la main pour se le partager. Tout ce qui n'est pas totalement calciné est délicieux.
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