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Rédigé par Ombre17 le 27 mai 2009 à 00:02 dans Le dicton de la semaine... | Lien permanent | Commentaires (0)
Observez les lis des champs, comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux.
Mt 6,28-29
Le diable à leurs trousses, les chalands filent en grondant sur la Seudre, la proue braquée vers la sortie de l'estuaire dont les eaux commencent à refluer. L'air est gorgé d'une lumière blanche et nette dans laquelle les distances du bassin semblent se réduire à celle d'un lac.
La vase des rives désertes, encore à demi submergée, est parsemée de salicorne et de ferraille rouillée. Paysage immobile dont la déshérence constitue la sauvegarde, et l'étrange beauté. Horizon couché, dont les seules lignes verticales sont celles des clochers épars.
C'est dans ce décor à demi maritime, entre les ponts et les rives basses, entre Marennes et Oléron, entre sables et vases, dans le palpitement des marées, qu'il faut venir se régaler de ce texte incomparable, et d'une douzaine d'huîtres locales arosées de ce vin de pays, un peu vert, et qui donne soif.
On comprendra, en lisant ce livre, que l'huître mène une vie terrible, mais palpitante. Depuis son "insouciante jeunesse" jusqu'à notre table, que d'aventures savoureuses et de délicieuses anecdotes, des côtes de Pennsylvanie à celles du Pacifique, des rives de Louisiane à celles de France !
Bisque d'huîtres, crème d'huîtres, huîtres au four, omelette de Hang Town, et comment fabriquer une perle fine... M.F.K. Fisher nous invite à sa table, et ce n'est pas rien. Comme elle l'avoue dans un autre livre, «Partager un repas avec quelqu’un est un acte intime qui ne devrait pas être pris à la légère.*». Tout en se laissant séduire par le charme enjoué de la conversation, on comprend en effet que la cuisine est ici chose sérieuse et profonde, métaphore culturelle enracinée dans tout ce qui est humain. On repense au poète W.H. Auden, qui considérait M.F.K. Fisher comme "la plus grande styliste de langue anglaise", et l'on reste ébloui devant l'intelligence, l'humour subtil et l'élégance cultivée de cette femme remarquable**.
P.S. 1 : Un grand merci à Bridget, grâce à qui j’ai pu déguster ce texte dans sa langue originale*** !
P.S. 2 : Honneur et gratitude à Olivier, qui a découvert sur YouTube une émouvante vidéo consacrée à M.F.K. Fisher à l'adresse suivante : http://www.youtube.com/watch?v=-ByAih3jw5I
*M.F.K. Fisher - L’Art de manger - 1954
** Lire l'article de Molly O'Neill publié dans le NEW YORK TIMES du 24 juin 1992 à l'occasion de la mort de M.F.K. Fisher.
*** M.F.K. Fisher - Consider the Oyster - North Point Press - New York 1996
Rédigé par Ombre17 le 23 mai 2009 à 19:55 dans Coffre à livres | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Guadalquivir rêve en glissant vers les marais de son estuaire au bas des murailles de Séville. La Giralda veille sur les barques dont les échos rebondissent sur les rives. Dans l’air rose, les années 20 bercent dans la brise leur futur incertain.
…Et tout un horizon de chiens
Aboie très loin de la rivière.
http://www.fag.es/rioguadalquivir/guadalquivir.htm
Mi niña se fue a la mar,
a contar olas y chinas,
pero se encontró, de pronto,
con el río de Sevilla.
Entre adelfas y campanas
¿Quién mira dentro la torre
El cielo monta gallardo F.G. Lorca (1898-1936) Canciones (Andaluzas) 1921-1924 http://photo.net/photodb/photo?photo_id=8430573 © 1996-2009 NameMedia, Inc. and contributors. http://www.jean-barak.fr/galeries/16/21.htm © Jean Barak
cinco barcos se mecían,
con los remos en el agua
y las velas en la brisa.
enjaezada, de Sevilla?
Cinco voces contestaban
redondas como sortijas.
al río, de orilla a orilla.
En el aire sonrosado,
cinco anillos se mecían.
Rédigé par Ombre17 le 21 mai 2009 à 02:41 dans Coffre à chansons | Lien permanent | Commentaires (0)
Cap de Bonne Espérance - 34°21'26''S / 18°29'51''E
Porter un enfant sur ses épaules, et tenir l'autre à la main, en un lieu comme celui-ci, est une chose qui compte dans une vie d'homme. Leur regard découvre sans recul ni emphase toute la beauté du monde, et vous êtes là sans mot, avec ces choses fortes au-dedans et au-delà de vous. Le vent assourdit et repousse de toutes ses forces les fragiles intrus, souffle coupé, chancelants au sommet du promontoire. L'écume gifle en grondant la base des falaises. Derrière l'horizon, l'Antarctique, et toute l'Afrique derrière soi...Toute phrase est inutile, et d'ailleurs personne ne l'entendrait.
Rédigé par Ombre17 le 20 mai 2009 à 00:40 dans Souvenirs d'autres mers | Lien permanent | Commentaires (0)
Cap Nord - 71°10'15''N / 25°47'03E
Cap Horn, Cap de Bonne Espérance, Cap Nord, Colonnes d'Hercule, d'où vient-elle, cette fascination des bouts du monde ? Que cherchons nous dans ces rochers où notre géographie a accroché ses emblèmes ? Peut-être la satisfaction préhistorique d'avoir enfin accompli notre migration, et investi la niche à laquelle notre espèce est adossée ? Ou au contraire le frémissement du prédateur devant cet espace sans bornes, qu'il lui plaît de croire vierge et encore insoumis ? Il y a probablement un peu des deux dans notre regard, selon qu'il se tourne vers l'en-deça ou l'au-delà de la falaise. Et bien d'autres choses encore, comme l'orgueil d'être "là" où tous ne sont pas (encore...) venus, et d'en préparer le récit à l'attention curieuse ou envieuse des membres plus sédentaires de la tribu. Vanité des vanités...
Mais il faut aller plus avant, et peut-être plus profond : comme tout objet ambigu (peur et désir mêlés, rencontre de deux mondes irréductibles), le Finis Terrae relève aussi du sacré. Avec lui le marin entre dans la légende, et le touriste dans le mythe.
L'homme se détourne de ce vide qui lui fait face, et va acheter quelques icônes postales.
Rédigé par Ombre17 le 19 mai 2009 à 17:44 dans Souvenirs d'autres mers | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé par Ombre17 le 17 mai 2009 à 19:39 dans Le dicton de la semaine... | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé par Ombre17 le 17 mai 2009 à 14:01 dans Souvenirs d'autres mers | Lien permanent | Commentaires (0)
Prendre sur la côte d’Oman une barque de pêche de 7 mètres, non pontée. Bien vérifier qu'il n'existe à bord aucun équipement de sécurité, ni réserve de flottabilité, ni brassière de sauvetage, ni matériel de détresse, ni même une ancre. Seul équipement particulier : un gourdin.
Partir de bonne heure pour profiter de la fraîcheur du matin sur le Golfe. Foncer plein pot vers le large pour bien faire vibrer toute la structure de la barque à chaque retombée de l'étrave sur le clapot. Quand les chocs atteignent la limite du supportable pour la barque et ses passagers, accélérer encore un peu. Arrivé sur la zone de pêche, à environ dix milles au large, réduire la vitesse à dix nœuds, et jeter vers l'arrière une ou plusieurs lignes d'une cinquantaine de mètres (équipées d'un leurre et d'un hameçon de 10 cm environ) dont on retient d'une main gantée de caoutchouc l'autre extrémité. Laisser traîner cette ligne sur l'arrière jusqu'à ce qu'un thon se laisse tenter. Reprendre alors la ligne par brassées jusqu'à ramener le poisson au niveau du bordage. Comme il mesure entre 50 cm et un mètre, l'opération peut prendre un certain temps. Le saisir alors par la queue, et l'achever de trois ou quatre grands coups de gourdin sur la tête. Puis le laisser tomber en vrac au fond de la barque, et nettoyer le sang que ces opérations ont fait gicler un peu partout. Recommencer.
À la mi-journée, avec un peu de chance, une dizaine de thons s'entassent au fond de la barque. Se rapprocher alors de la côte, dont on distingue peu à peu à nouveau les hautes pentes rocheuses, abruptes et désertiques dégringolant vers la mer. Longer les îlots qui bordent le rivage jusqu'à dénicher une baie abritée derrière l'enchevêtrement des éboulis, des récifs et des pointes. Pénétrer ainsi dans une sorte de fjord aride formé par l'embouchure d'un oued. L'eau y est profonde, calme, limpide et tiède, avec des reflets vert-bleu.
Aborder au rivage sur une petite plage déserte, et plonger aussitôt pour se rafraîchir enfin. Rêver d'être un poisson.
Prendre au fond de la barque un thon de taille proportionnée au nombre de passagers, et le déposer sur la plage. En escaladant les rochers, aller arracher quelques arbustes desséchés qu'on placera en tas sur le sable. Les enflammer, et quand le feu est au plus haut, y jeter le thon.
Retourner se baigner. Quand on revient, c'est prêt. Extraire des cendres ce qui reste du thon, et le dépecer à la main pour se le partager. Tout ce qui n'est pas totalement calciné est délicieux.
Rédigé par Ombre17 le 17 mai 2009 à 01:09 dans Souvenirs d'autres mers | Lien permanent | Commentaires (0)
Dans les limbes de l'enfance, mes soeurs aînées tendent déjà vers moi leurs sourires à la rescousse de mes premières chutes.
Est-ce vraiment là que se situe le souvenir de ma première rencontre avec les bateaux? Les traces sont incertaines, comme une suite rapide et discontinue d'images où se mêlent probablement d'authentiques souvenirs et les fragments d'un récit maintes fois entendu depuis, au fil des ans devenu plus vrai que vrai, et régulièrement psalmodié à l'occasion de chaque retrouvaille comme un mythe familial fondateur.
Cette épopée identitaire met en scène le trio que nous formions, mes soeurs et moi, dans le décor de La Rochelle de l'après-guerre. Il y avait à cette époque, entre la plage et les parcs, et juste après le marchand de glaces, un manège dont la couleur se voulait sans doute locale : autour d'un axe, et reliés à celui-ci par des bras, tournaient de petits bateaux de fer flottant sur une cuve remplie d'eau en forme de couronne. L'ensemble devait plus ou moins ressembler à ceci...
©Jean-Marc - http://www.ghost-shooting.com/ - Photos anciennes.
Au "toit" du manège était d'autre part suspendu une poupée "Mickey" surplombant les bateaux, poupée que le patron du manège faisait bien sûr bondir par l'intermédiare d'une corde et d'une poulie, au-dessus des têtes enfantines. La queue de ce Mickey se décrochait par simple traction, et la conquête de ce trophée, au-delà du tour de manège gratuit auquel elle donnait droit, conférait à son auteur plus de gloire et de prestige que les plus héroïques aventures !
L'entreprise était d'envergure, et il y avait bien peu d'élus pour beaucoup d'appelés. Après avoir bien réfléchi, cependant, je me dis que saisir à bras le corps le Mickey lui-même devait être plus facile que d'en arracher la queue. Pour augmenter mes chances et prendre de court le patron du manège, j'avais par ailleurs sournoisement décidé de feindre l'indifférence à l'approche du fameux trophée, et de ne bondir qu'au dernier moment...
Le stratagème connut un franc succès : le moment venu, je sautai bruquement les bras grands ouverts, étreignant de toutes mes forces l'idole convoîtée... Malheureusement pour moi, celle-ci refusant obstinément de se décrocher, je restai suspendu entre "ciel" et "flots", tandis que les bateaux imperturbables continuaient sans moi (sous moi...) leur périple circulaire.
J'ignore combien de temps dura cet incertain état pendulaire, alors que le patron incrédule tirait de son côté sur la corde fatidique qui me maintenait en vol... Quelques fractions de secondes probablement, jusqu'à ce que mes forces - ou celles du patron - ne cèdent, et que je me retrouve dans l'eau de la cuve, sous les bateaux qui poursuivaient tranquillement leur ronde au-dessus de ma tête.
Je me souviens du goût de l'eau, de la rengaine du manège dont les sons me semblaient soudain si mystérieusement différents, et comme lointains...
La souvenir de la suite est moins clair, et doit beaucoup aux récits ultérieurs qu'on m'en a faits... Repêchage, séchage dans la cabine du patron de manège, retour à la maison, explications laborieuses de mes soeurs auprès des parents... J'étais devenu à mes dépens le héros du jour, et le personnage central d'une histoire dont les échos, bien des années plus tard, continuent à animer de loin en loin nos échanges entre frère et soeurs...
Mais le meilleur côté de cet incident finalement peu glorieux, c'est qu'il s'est bien terminé : malgré cette première rencontre ambiguë avec "les p'tits bateaux qui vont sur l'eau", ni eux ni moi ne nous sommes gardé rancune.
Rédigé par Ombre17 le 15 mai 2009 à 20:15 dans Bateaux d'avant | Lien permanent | Commentaires (0)
Dix sept ans... Premier stage de voile, premiers dessalages, premiers coups de bôme. Et premier coup de coeur pour la mer et ses jeux.
Les péniches de débarquement réquisitionnées pour l'occasion nous avaient déversés, titubants de mal de mer, enfumés de gasoil jusqu'à la nausée, enchevêtrés parmi nos bicyclettes, sur la plage de Boyardville, pour ce séjour de plein air-canoe-voile-découverte-de-la-nature qui allait conclure notre première année de formation "normalienne".
En peloton derrière notre vieux prof de Sciences Naturelles, nous parcourions les grèves de l'île en herborisant... Mystères du fucus vesiculosus ! Le soir c'était le camp, avec son odeur de friture et de presque liberté, ses blagues adolescentes, ses cours théoriques et l'apprentissage de la vaisselle.
Nous avions la tête beaucoup plus pleine de filles que de bateaux... Mais la première de ces catégories étant douloureusement absente, les trois 420 gréés sur la plage, qui nous guettaient l'air de rien, ont fini par nous séduire, et par faire chavirer - entre autres - notre coeur. Pour certains d'entre nous, je sais que ce premier amour était définitif.
Conception : |
1958 |
Gréement : |
bermudien |
Longueur : |
4,20 m |
Largeur : |
1,63 m |
Tirant d’eau : |
0,97 m (safran bas) |
Poids : |
80 kg |
Surface de voiles : |
Grand-voile 12 m2 Foc 4,51 m2 Spi 10 m2 |
Équipage : |
2 |
Architecte : |
Christian Maury |
Si léger qu'il en est presque volatil, le "quatre-vingt" a si bon caractère qu'il permet de déssaler et ressaler en un clin d'oeil, et presque sans s'en apercevoir... Excellent partenaire d'apprentissage de la voile, idéal pour les équipages légers, il a été dessiné au départ à la demande de l'école de voile de Socoa. Ce symbole de la démocratisation de la voile dans les années soixante reste le dériveur en double le plus populaire pour les jeunes tentés par la compétition.
Rédigé par Ombre17 le 15 mai 2009 à 20:11 dans Bateaux d'avant | Lien permanent | Commentaires (0)